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Les cinq types d'agricultures familiales au Burkina Faso

Les cartes et données statistiques que nous avons rassemblées mettent en évidence d’importantes différences entre régions, voire entre provinces, pour plusieurs caractéristiques majeures du monde rural, en particulier :



Nous pouvons ainsi différencier cinq types d’agriculteurs et d’éleveurs, ayant tous en commun de n’utiliser que de la main- d’œuvre familiale. Nous les désignerons sous le nom d’agricultures familiales, par opposition aux entreprises agricoles qui emploient des salariés (plantations de canne à sucre, élevages de volailles…) et qui ne rentrent pas dans le cadre de cette étude.


Nous mettons ainsi en évidence cinq types d’AF :



Fortement contrastées, elles appellent une mise en œuvre différenciée et spécifique des réponses disponibles, à savoir :



Habitués à des pluviométries faibles, les Peulhs pratiquent de longue date un élevage nomade où prédominent les bovins. Depuis le XXème siècle, il s’agit surtout de transhumances saisonnières. Les familles résident dans des campements plus ou moins permanents et cultivent des céréales et des légumineuses pour leurs besoins vivriers, qui sont en moyenne tout juste satisfaits. Ils demeurent très vulnérables face aux éventuelles années difficiles. Il n’y a pas de culture de rente, car leurs revenus monétaires proviennent de la vente de bétail sur pied.

La propriété du bétail est pour eux plus importante que la propriété foncière.

Ils disposent de deux à trois fois plus de bétail par habitant que les autres types d'agriculture familiale (1,85 UBT). En l'absence de fourrages cultivés, les troupeaux paissent sur les espaces non cultivés qui sont insuffisants : 1 ha non cultivé / UBT alors qu’il en faudrait 8. Les déficits fourragers sont  donc très importants et la dégradation des ressources naturelles très sévère.


Les Gourmantchés sont des agriculteurs-éleveurs sédentaires.

Leur identité culturelle, très forte, les a amenés pendant longtemps à se montrer peu ouverts vis-à-vis d'autres ethnies. Jusqu'à un passé récent, ils ont peu échangé avec les autres communautés concernant les pratiques culturales, et ont conservé leurs habitudes ancestrales.

Dans la partie sud de leur espace, la pluviométrie plus abondante (834 mm) permet la culture cotonnière en traction animale, ce qui explique que la superficie cultivée par actif (0,83) soit nettement supérieure aux 0,6 ha possibles en culture manuelle.

Le taux de couverture des besoins céréaliers est satisfaisant (112 %) : le coton n'est pas cultivé au détriment des cultures vivrières. Bien qu’ils disposent d’un espace non cultivé important, la superficie non cultivée par UBT est quatre fois inférieure aux besoins, tant le bétail est abondant. Il est donc impératif de compléter les pâturages par des cultures fourragères. Cette pression des pâturages sur les sols se traduit  par une forte dégradation des ressources naturelles, malgré une densité de population relativement faible (38 hab/km2). Dans ce type d’agriculture, c’est la densité de bétail qui pose problème.


Les Mossis sont installés depuis plusieurs siècles au cœur du Plateau Mossi, dans une société très hiérarchisée où la parole des dirigeants fait autorité.

Dans son roman "L'étrange destin de Wangrin", Amadou Hampâté Bâ décrit le marché aux bestiaux de Ouahigouya comme une sorte de paradis terrestre : c'était au début du XXème siècle. Les conditions de vie des agriculteurs Mossis se sont considérablement détériorées depuis, comme en témoignent les déficits vivriers préoccupants (81% seulement de taux de couverture). Parallèlement, les sols se dégradent en raison de la forte pression du bétail (1 ha non cultivé/UBT).

Dans les années 1970 et 1980, de très sévères sécheresses ont amené les agriculteurs à pratiquer le zaï manuel et à réaliser des cordons pierreux, qui ont été globalement très efficaces. Cependant, la croissance démographique couplée à celle du bétail oblige à des efforts considérables en matière de conservation des eaux et du sol et de gestion durable des agricultures et de l’élevage.

Il s'agit du type d'agriculture familiale qui cumule le plus de population et le plus de d'indicateurs alarmants.


Contrairement aux trois précédentes, les Agricultures Familiales de l’Ouest sont très diversifiées sur le plan ethnique : y coexistent les Marka, les Samo, les Bobos, les Gourountsi et quelques Mossis, chacun dans des territoires spécifiques (cf. carte p. xx). Ils parlent des langues différentes, ce qui limite les possibilités d'échanges de pratiques culturales, et la propagation de techniques innovantes.

Avec une pluviométrie relativement favorable (908 mm), ils bénéficient a priori de bonnes conditions agricoles, malgré une densité de population élevée (73 hab/km2). La culture cotonnière y est assez abondamment pratiquée, fortement incitée par des politiques publiques qui encouragent les produits d’exportation. Ces mêmes politiques publiques ont promu la culture attelée bovine, permettant aux Agricultures Familiales de cultiver par actif des surfaces plus importantes qu'en culture manuelle (0,89 ha contre 0,6).

Leurs besoins vivriers sont bien couverts (169 %), ce qui permettrait de mieux développer l’aviculture villageoise en utilisant les excédents de grains pour alimenter les volailles. Conséquence d’une bonne sécurité vivrière et des revenus du coton, ces populations disposent de revenus supérieurs à ceux des agriculteurs Mossi. A noter, dans la Boucle du Mouhoun, la présence de périmètres irrigués rizicoles qui contribuent partiellement aux besoins nationaux.


On note là aussi une  grande diversité ethnique : Bobo, Turka, Lobi, Senoufo, Marka. La densité de population relativement faible (54 hab./km2) et la pluviométrie est bonne (1030 mm, répartis sur 5 mois au lieu de 4 mois ailleurs).

Les besoins céréaliers sont bien couverts (159 %) et beaucoup de paysans sont passés à la culture cotonnière (à traction bovine), d’où une surface cultivée par actif plus grande qu’ailleurs (0,85 ha) et la présence de bovins en nombre important (1 UBT/hab). Leur situation économique est meilleure que chez les Mossis.

La zone a été pendant des décennies très affectée par la maladie des rivières, l’Onchocercose, une affection parasitaire qui provoque la cécité et n'a été éradiquée que récemment. Le développement  agricole y est donc relativement récent : les acteurs n'envisagent que depuis peu des alternatives à leurs pratiques traditionnelles.

C’est une zone agricole en expansion. Il y a encore de la place (faible densité) même si les espaces sont limités par un relief plus accidenté.


Soulignons que les actions qui s'imposent concernent toutes les parties des terroirs ruraux :


NB : les deux zones occidentales sont moins homogènes en termes de production et de pratiques culturales. Elles nécessiteraient des analyses plus détaillées qui pourraient faire l'objet d'une étape future de ce travail. Les populations de ces zones bénéficient pour l'instant d'une relative sécurité vivrière.

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